Dans mon métier, le secteur de la communication c’est un fléaux. Le créatif, Da, graphiste, webdesigner, Ux, Ui, infographiste, maquettiste, product designer, etc.. ne sais plus sur quel pied danser avec tout ces titres. Tout le monde semble vouloir le mettre dans une case et le réduire aux champs soit : de l’ergonomie ou de l’esthétique.

Blabla bla..

Avant on avait le graphiste, considéré comme un créatif connaissant ses outils et son support, le print ou le web. L’un faisait des images à 300 dpi et l’autre à 72 dpi mais les deux faisaient des mise en pages. Page de magazine ou de site web chacun connaissait et respectait des normes, ils sont des experts en conception et réalisation. Généralement il a fait des étude d’art appliqué ou en communication visuelle et c’est spécialisé avec son expérience professionnel. Évidemment on distinguait les séniors des juniors, l’un devient Directeur artistique et l’autre exécutant Webdesigner. Dans une Agence web, cette paire (Da sénior et Webdesigner junior) étaient associés à des Intégrateurs, des Développeurs et enfin.. on y greffer généralement un chef de projet, qui avec le Directeur artistique, le Développeur, le client (brief et cahier de charges) élaborent l’arborescence et la stratégie du projet. Le créatif propose, le client valide, le développer construit et le chef de projet pilote l’ensemble. Chacun son rôle, tout allait pour le mieux. Mais c’est sans compter sur l’imagination des responsables, managers et autre directeur général qui, avec ce nouveau terme créent un poste. Ajoutant ainsi une ligne de plus sur la facture : une expertise Ux puis Da..

Le règne des grattes-papier et des cocheurs de casses..

J’avais déjà du mal avec l’expérience utilisateur (user experience, ux) et cette nouvelle définition de mon métier, qui serait pour certain une expertise isolée.. Mais je prends toujours autant de temps à expliquer mon idée sur ce point, que l’ergonomie et le graphisme sont indissociables. Celui qui fait le zoning fait les maquettes. Déjà, parce nous ne somme pas à l’usine, il n’y a pas celui trace les traits et celui qui colorie, celui qui coupe les planches et celui qui les clou entre elles. En suite, parce que l’arborescence, la mise en page, les formes, les couleurs, l’iconographie ou la typographie, etc.. C’est la même chose, le concepteur, créatif, directeur artistique que je suis, doit à la fois connaître les enjeux de l’expérience utilisateur et son parcours vers les objectifs du client.. Tout comme le graphisme à proprement parlé, les tendances. 

Alors les agences et les entreprises se font les complices de ce joyeux bordel. À rassembler une flopée de métiers aux fonctions et expertises aussi floues que limités, personne n’y comprends plus rien. A croire qu’il s’agit d’industrialiser toujours plus la réalisation d’un site ou d’une application. Moi j’ai parfois l’impression que le but est plus d’enfumer le client ou sa hiérarchie, plutôt que de se soucier réellement de utilisateur ou de l’image d’une marque.

D’autant que l’expérience et le bien être de l’utilisateur on s’en fout pas mal, c’est là qu’est l’hypocrisie.. En réalité il s’agit toujours du parcours de l’utilisateur vers l’objectif du client. Mais surtout, l’utilisateur ne cherche pas une expérience, il cherche une réponse. Améliorer l’expérience c’est la conversion, la validation d’un panier ou l’augmentation de ce dernier par exemple. C’est le travail des cookies, du retargeting et autres sélections, promotions, etc. C’est la qualité du produit ou du service qui fera la satisfaction de l’utilisateur, pour le reste c’est cosmétique (important, mais cosmétique) et c’est aussi mon boulot.

À l’air ou on humanise les machines et ou on robotise les humains.. c’est cohérent.

En 2019 on fait du design thinking c’est la novelles mode, merci à Tim Brown qui verbalise ce qu’on savait et faisais déjà.. de la psychologie, neurosciences, ethnographie et mon cul sur la commode. Alors il nous faut maintenant un préposé à l’étude et la compréhension d’un besoin. Mmh.. un benchmark, un Directeur artistique ? Non, un préposé à la faisabilité, la mise en oeuvre et la production d’un objet digital. Ok.. un chef de projet ? Non, un hybride qui serait pas complètement les deux, un supplément.. Ah.. c’est ton neveux qui cherche un stage c’est ça ? Oui mais non, un vrai poste qué s’appelerio.. Ux designer !

Rappelez-vous, le personnage clé que j’ai cité plus haut c’est le chef de projet. Lui qui a fait généralement une école de commerce, son truc c’est donc le marketing. Il est transversale depuis le début dans l’agence, entre la direction, les commerciaux et les équipes de productions.. alors ce sera lui qui va finalement prendre une partie des responsabilités de la conception. Il fera des frameworks (zonings), des audits (études) mais surtout il collera des Post its partout autour de lui et des réunions. Maintenant c’est l’Ux designer. Il serait le cerveaux et je serai ses mains ? Ui designer ?

Conclusion..

Vous l’avez compris, le chef de projet change de nom et le Da est amputé d’une partie de ses tâches.. Depuis toujours le sujet du design est galvaudé, aussi subjectif que le graphisme et la création en soit. Et je crois malheureusement mon métier ne sera jamais compris.. Aujourd’hui c’est, chacun avec sa casquettes, sa case, à se déresponsabiliser; c’est la paupérisation de toute une profession qui s’opère. Qui peut revendiquer alors son talent, son travail, son salaire ? Celui qui est le maillon d’une chaîne fragile, dont le seul bute de pouvoir le remplacer facilement. Tout le monde et donc personne peut devenir designer visiblement..

Puisque Photoshop se confond avec Sketch, qui se confond avec Canva, qui se confond avec un Croquis sur paperboard en brainstorming. Oui j’exagère.. mais en réalité et malgré cette armée d’exécutants, la conception et de la réalisation d’un projet web n’a jamais été aussi chronophage et alambiquée, quoi qu’on en dise.

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Lecture..

David Graeber : Bull shit jobs
Ce livre fait suite à un article qui a généré beaucoup de bruit en 2013.. dans lequel l’anthropologue distingue les professions authentiques et créatrices de valeur, pourtant sous-payés. De toute une « classe » d’avocats d’affaires, de consultants, de managers intermédiaires et autres, surpayés pour accomplir des tâches inutiles, voire nuisibles..

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Bonus..